La Commission présente sa réforme attendue du marché du médicament

La Commission européenne a présenté mercredi sa proposition de réforme de la législation pharmaceutique de l'UE, première mise à jour majeure dans ce domaine depuis 2004, avec pour objectifs des médicaments abordables, la lutte contre les pénuries de certains d'entre eux, ou encore la lutte contre la résistance aux antimicrobiens.

Les ruptures de stock ou tensions d'approvisionnement sur les médicaments, particulièrement criantes pendant la pandémie de covid-19, ont notamment touché des antibiotiques largement prescrits comme l'amoxicilline, mais également le paracétamol. "Les entreprises devront signaler les potentielles pénuries plus tôt et avoir des plans d e prévention pour leurs médicaments",  selon la commissaire à la Santé Stella Kyriakides.

La Commission prévoit de dresser d'ici la fin de l'année une liste de médicaments essentiels, qui pourra ensuite servir de base à une obligation de constituer des stocks. 

La réforme, plusieurs fois reportée et qui a suscité un intense lobbying de l'industrie pharmaceutique, entend aussi rendre les médicaments plus abordables, en favorisant l'arrivée des génériques et en obligeant les laboratoires à plus de transparence sur les fonds publics reçus pour la recherche et le développement. Elle réduit de dix à huit ans la période garantie de protection des données et d'exclusivité commerciale sur un médicament, pendant laquelle la mise sur le marché de génériques, moins chers, est impossible.

L'UE espère de cette façon contribuer à faire baisser les prix des médicaments. Elle n'a toutefois pas la compétence de fixer ces prix: ils sont du ressort des autorités nationales, dans le cadre de négociations avec l'entreprise commercialisant le médicament, de même que les taux de remboursement. Mais les entreprises pourront prolonger leurs droits d'exclusivité de deux ans si elles lancent leurs médicaments dans tous les États membres.

Des délais supplémentaires seront accordés aux fabricants de médicaments correspondant à des "besoins de santé non satisfaits" ou capables de traiter d'autres maladies notamment, ce qui pourra permettre aux entreprises répondant à tous les critères d'avoir jusqu'à 12 ans d'exclusivité, contre 11 actuellement. Pour les maladies rares, la durée pourra s'étendre jusqu'à 13 ans, contre 10 actuellement.

Autre défi de taille auquel la législation veut répondre: la résistance aux antibiotiques, qui fait chaque année dans l'UE quelque 35.000 morts. Pour lutter contre cette menace croissante et encourager le développement de nouveaux antibiotiques -qui s'avèrent peu lucratifs puisqu'ils sont voués à un usage modéré-, la Commission propose un système controversé de bons d'exclusivité transférables.

Il s'agit de permettre à une entreprise, en échange du développement d'un nouvel antibiotique, d'étendre d'un an la durée pendant laquelle elle a l'exclusivité sur la vente d'un autre produit plus rémunérateur, ou de revendre ce bon à une autre compagnie.

L'idée, qui avait fuité il y a quelques mois, avait suscité les réticences de la moitié des États membres (dont la France, la Belgique et les Pays-Bas), qui la jugeaient trop onéreuse pour les systèmes de santé. Le Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC) a aussi dénoncé une telle perspective.

L'industrie belge du médicament a vu dans les propositions de la Commission des atteintes aux droits de propriété intellectuelle, "qui jouent actuellement un rôle vital dans la promotion de l'innovation et du progrès scientifique, et dans la recherche de réponses aux besoins médicaux non satisfaits".

Sa coupole, pharma.be, a appelé le gouvernement belge à s'opposer aux propositions qui suppriment progressivement les incitations à l'innovation. Elle propose en revanche que l'industrie s'engage à demander le prix et le remboursement d'un médicament neuf dans les 27 États membres au plus tard dans les deux ans suivant l'octroi de l'autorisation de mise sur le marché.

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