Une revue systématique, publiée dans JAMA Network Open, alerte sur la surcharge technologique imposée aux patients souffrant de plusieurs maladies chroniques. Réalisée dans le cadre du projet Hôtel-Dieu Plateforme (AP-HP/Université Paris Cité), l’étude révèle que moins de 5 % des technologies de santé numérique disponibles sont conçues pour répondre à la multimorbidité, une lacune qui pourrait nuire tant aux patients qu’aux professionnels de santé.
Sur 148 outils numériques évalués – tous autorisés par la FDA ou recommandés par la plateforme britannique ORCHA –, seuls cinq (3,4 %) ciblent explicitement plusieurs affections. Le reste reste majoritairement centré sur des pathologies uniques, telles que le diabète de type 2, l’hypertension ou la BPCO. Ces dispositifs incluent des applications seules (35 %) ou associées à des capteurs (65 %).
Pour modéliser l’impact concret de cette approche fragmentée, les chercheurs ont imaginé un profil patient type : une femme de 79 ans souffrant de cinq maladies chroniques fréquentes – diabète de type 2, hypertension, ostéoporose, arthrose et BPCO. Résultat : pour couvrir toutes les fonctions numériques jugées utiles par les professionnels, cette patiente devrait utiliser jusqu’à 13 applications et 7 dispositifs connectés en parallèle. Une prescription dite « maximaliste » impliquerait même 49 technologies distinctes.
Les auteurs dénoncent une logique de développement en silos, inadaptée à la réalité clinique : « L’approche technologique actuelle, fragmentée maladie par maladie, est peu adaptée aux patients souffrant de maladies chroniques, mais également pour les professionnels de santé qui les suivent », constatent-ils. Ils appellent à une réduction de la fragmentation, à une meilleure interopérabilité des outils, et à la création de plateformes unifiées permettant de centraliser le suivi.
L’étude souligne enfin la nécessité d’une médecine numérique « minimalement intrusive », capable de s’adapter à la réalité quotidienne des patients polypathologiques, sans multiplier les interfaces, les alertes et les dispositifs.