Que 11 secondes pour écouter un patient

Le « Journal of General Internal Medicine » dévoile une étude de l’Université de Floride et de la Mayo Clinic sur le manque d’écoute des médecins envers leur patient. « 36% des patients seulement ont le temps d’expliquer leur situation de santé à leur médecin. Le plus souvent, les patients sont interrompus par leur médecin après 11 secondes. » L’étude montre que certains médecins,  surtout des spécialistes, ne permettent pas au patient de développer leurs interrogations sur leur santé. Ces derniers reconnaissent ce phénomène qu’ils expliquent simplement : vu leur spécialisation, ils anticipent la raison de la présence du patient. Les auteurs de l’étude attirent l’attention des spécialistes sur le fait qu’ils devraient, même dans ce cas de figure, prendre plus de temps : leur patient peut avoir des plaintes spécifiques à la prise en charge de sa maladie.

Ce phénomène a déjà été étudié en 1984 (Beckman et al.). L’étude à l’époque démontrait que dans 69% des visites chez un médecin généraliste, le médecin interrompait son patient, qui exposait ses plaintes, après 18 secondes. Quinze ans plus tard, dans une autre étude (Marvel et al), des chercheurs montraient que dans 75% des visites de soins primaires, le médecin interrompait ses patients en moyenne dans les 23 premières secondes de la discussion. Ces études, effectuées à des décennies d'intervalle, suggèrent que les médecins ne parviennent pas à prendre le temps nécessaire avec leurs patients. « Pourtant, le dialogue avec le médecin garantit que les décisions médicales respectent les désirs, les besoins et les préférences des patients. La prise de décision partagée (SDM) est un processus qui aide le patient » soulignent les chercheurs de cette nouvelle étude qui insistent : « L'entretien médical est un pilier de la médecine. »

Eliciting the Patient's Agenda- Secondary Analysis of Recorded Clinical Encounters

Journal of General Internal Medicine 02 July 2018 DOI: 10.1007/s11606-018-4540-5

Le débat se poursuit sur @MediSphereHebdo et @LeSpecialiste 

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Derniers commentaires

  • Michel JEHAES

    06 septembre 2018

    D'accord avec l'aspect "gain de temps" mais il y a, à mon avis plus "grave" : après 45 ans de pratique de la médecine générale, je reste intimement persuadé que l'anamnèse + l'examen clinique permettent déjà d'approcher le diagnostic à 70% au moins. Après il faut faire travailler ses méninges ! Il a déjà été constaté aussi que plus le temps consacré au patient est court, plus la prescription est longue et sans doute aussi les demandes d’examens complémentaires. cette remarque vaut en premier lieu pour le généraliste qui n'a "que" son écoute et son examen clinique + quelques paramètres faciles à prendre pour prendre une décision, mais nos confrères spécialistes devraient aussi se laisser interpeller par le message. Un ami interniste me partageait son inquiétude il y a quelques années : "Les jeunes qui viennent en formation dans mon service son incollables en ce qui concerne les examens complémentaires, mais leur stéthoscope pendouille de leur poche ou est rivé autour de leur cou et ils ne l'utilisent plus beaucoup malheureusement" !