L’avenir de la pharmacie: une interview exclusive du Ministre Frank Vandenbroucke

Pour la rentrée, le Ministre fédéral de la santé, Frank Vandenbroucke, a accordé une interview exclusive à Pharma-Sphere. Quel est l’avenir de la pharmacie selon lui? Comment le voit-il face aux défis des ventes en ligne notamment et quel acteur de première ligne le pharmacien sera-t-il vraiment? Le ministre annonce également que ses services préparent une nouvelle réglementation pour mettre en œuvre une nouvelle législation sur la répartition des pharmacies.

Vice-Premier ministre et ministre fédéral des Affaires sociales et de la Santé publique depuis le 1er octobre 2020, Frank Vandenbroucke prend la parole pour la première fois pour répondre aux questions des pharmaciens.

Va-t-on vers deux types de pharmacies? La pharmacie des villes et des campagnes? Quel est l’avenir de la pharmacie selon vous? Faut-il faire évoluer le statut du pharmacien et renforcer encore son rôle d’acteur de première ligne? 

Frank Vandenbroucke: «Comme le stipule l’accord de gouvernement, nous voulons renforcer la pharmacie dans son rôle de première ligne, son rôle de pharmacie de famille. En fait, je vois peu de différence entre la pharmacie de ville et la pharmacie de campagne. Elles sont toutes les deux un maillon important des soins de proximité. La crise sanitaire nous a rappelé clairement que la pharmacie est un point de contact très accessible en matière de soins. Nous devons tirer le meilleur parti de cet atout. Le pharmacien peut détecter les problèmes à un stade précoce et guider les personnes vers des soins appropriés. En coopération avec les médecins généralistes, les pharmaciens peuvent faire une réelle différence dans la santé de leur quartier ou de leur commune».

Avez-vous prévu une nouvelle réglementation pour contrôler l’expansion  des  méga-pharmacies?

«Mes services préparent une nouvelle réglementation pour mettre en œuvre une nouvelle législation sur la répartition des pharmacies. Le défi est d’arriver à une répartition équitable qui tienne compte du nombre d’habitants potentiellement servis par chaque pharmacie. Cependant, l’accessibilité dans tout le pays, y compris dans les zones moins peuplées, est une préoccupation constante. La construction de pharmacies à la périphérie des villes peut devenir un problème s’il s’agit du déplacement d’une pharmacie autorisée à un endroit où il est absolument nécessaire d’assurer l’accessibilité. Pour toutes ces raisons, les critères applicables aujourd’hui seront affinés et objectivés

Faut-il  accroître  la part des ventes en ligne dans les  officines?

«Il y a des tendances qu’on ne peut pas facilement arrêter. Aujourd’hui, de nombreuses personnes achètent déjà en ligne des médicaments sans ordonnance, ou dans une droguerie quand elles sont à l’étranger. Il suffit de penser aux Pays-Bas, où c’est considéré comme tout à fait normal. Personnellement, je suis convaincu de la valeur ajoutée de se rendre dans une pharmacie. Il n’est pas toujours simple de prendre un médicament correctement (en tenant compte aussi des interactions). C’est donc une bonne chose que le pharmacien puisse aider le patient

Pour le suivi des malades chroniques, pensez-vous accroître la place donnée au pharmacien dans le suivi du patient?

«Le pharmacien joue un rôle important par ses conseils au début du traitement et dans la suite du schéma de médication. Quand c’est pertinent, nous devons certainement continuer de renforcer cette fonction d’accompagnement du pharmacien. Bien sûr, c’est le médecin généraliste (ou parfois le spécialiste) qui joue un rôle central dans la prise en charge du patient chronique, mais le pharmacien peut certainement soutenir le médecin dans son domaine

Que pouvez-vous faire pour lutter contre la pénurie des médicaments dans les officines?

«Les raisons d’une pénurie dans les pharmacies sont multiples. Elle peut être liée à un prix plus élevé dans les pays voisins que chez nous. Elle peut aussi être due à des difficultés de production, parce que certains produits exigent des normes de qualité très élevées, ou parce que la matière première du médicament est rare. La disponibilité dans les pharmacies de tous les médicaments dont les gens ont besoin reste une préoccupation majeure. Des mesures ont déjà été prises ces dernières années pour que les médicaments indisponibles soient signalés et répertoriés. Mais il faut des mesures supplémentaires. J’en cite deux: il existe une base légale qui permet d’imposer une interdiction d’exportation en cas de pénurie, et nous avons créé la base légale pour un système de transparence des stocks détenus par les grossistes et à d’autres niveaux. Mes collaborateurs sont en train d’élaborer deux arrêtés royaux pour mettre ces dispositions légales en pratique. Troisièmement, il y’a l’idée d’un droit de substitution pour le pharmacien si le médicament est objectivement qualifié d’indisponible: c’est une question délicate qui requiert de la concertation avec tous les acteurs et qui n’est pas encore tranchée, mais nous devons essayer de conclure en la matière.»

Doit-on encore garantir une plus grande part aux médicaments  génériques?

«L’utilisation rationnelle des médicaments reste un objectif important de ma politique. D’une part, il s’agit de l’utilisation de médicaments qui coûtent moins cher, et il faut encore renforcer le marché des médicaments génériques et des biosimilaires. D’autre part, c’est aussi une question de volume; et dans ce cadre, les pharmaciens jouent un rôle crucial par l’examen des médicaments, les conseils pour contribuer au respect du traitement ou la délivrance sur mesure.»

Comment les pharmacies vont-elles pouvoir rester bénéficiaires dans les prochaines  années?

«Les pharmaciens s’efforcent de renouveler leur rôle et leur mode de rémunération. Selon moi, il est logique que nous nous intéressions aussi à la contribution du pharmacien aux soins de santé en termes de rémunération.»

Quid de la vaccination Covid ou de la grippe en pharmacie? Un projet est-il prévu à cet effet, comme cela se pratique déjà dans d’autres pays?

«Comme annoncé, depuis le 1er octobre, les pharmaciens peuvent délivrer le vaccin contre la grippe sans que les patients doivent passer chez leur médecin pour une ordonnance. En ce qui concerne la vaccination covid, la Taskforce Vaccination propose de déplacer l’accent durant la prochaine phase de la campagne de vaccination des grands centres de vaccination vers la première ligne. Il est déjà question, à côté de l’administration du vaccin dans les pratiques de groupe de généralistes, également de l’administration du vaccin dans des pharmacies qui satisfont à certaines exigences infrastructurelles. Récemment, la Taskforce a demandé de préparer la base juridique pour permettre la vaccination par les pharmaciens. C’est en cours d’analyse.»

À quand sur le terrain?

«À côté de la base juridique, je tiens également au cadre qualitatif et aux process, qui sont maintenant testés dans une série de projets pilotes. Dans le projet pilote de Zorgzaam Leuven, par exemple, les pharmaciens préparent maintenant les vaccins. En outre, des formations sont aussi prévues pour que le pharmacien puisse apprendre à administrer les vaccins. Nous espérons pouvoir tirer des conclusions prochainement quant à la possibilité pour les pharmaciens de vacciner eux-mêmes dans un contexte bien organisé. La plus-value de la vaccination à la pharmacie est avant tout de pouvoir atteindre des personnes qui sinon, tomberaient entre les mailles du filet.»

Les pharmaciens ont joué un rôle important pendant cette crise

«Je tiens à remercier les pharmaciens pour leur implication dans les centres de vaccination et dans les hôpitaux. Ils ont été et sont toujours un chaînon essentiel dans la chaîne allant de la distribution à la préparation des vaccins et jouent un rôle essentiel dans l’information et la sensibilisation du public.»

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