Des soignants s'élèvent contre la proposition de loi sur l'extension de l'avortement

Alors que la Chambre devrait examiner jeudi en séance plénière la proposition de loi sur l'extension de l'avortement, l'opposition grandit. Un collectif rassemblant 2.500 soignants a lancé un signal d'alerte contre les implications "inadéquates" et "graves" de cette réforme, lors d'une conférence de presse qui se tenait mardi à Bruxelles. 

Les parlementaires souhaitent voter une loi visant notamment l'extension du droit à l'IVG (interruption volontaire de grossesse) jusqu'à 18 semaines de gestation. "Ils veulent passer en force, approuver des mesures qui n'ont obtenu le soutien ni de la majorité des experts consultés, ni des gens de terrain", lance le collectif. Or "Il faut maintenir le délai d'avortement à 12 semaines, comme c'est le cas actuellement", martèle-t-il. 

"Je ne peux donner mon aval à une décision qui permet d'interrompre la vie d'un enfant à 20 semaines (d'aménorrhée). A 20 semaines il sent, ressent, réagit, répond", illustre la gynécologue et praticienne en haptonomie depuis plus de 25 ans, Arielle Nuchowicz. Un témoignage complété par celui de sa consœur gynécologue, Elisabeth Zeller: "18 semaines de gestation, c'est 20 semaines de grossesse, soit plus de la moitié d'une grossesse. Le fœtus est déjà un être fini qui poursuivra sa maturation jusqu'au terme, de plus il est viable à quelques jours près. Il interagit non seulement avec sa mère, mais également avec son env ironnement".

Le sexe de l'enfant est aussi clairement identifiable à ce stade. De là à imaginer que certains parents sollicitent un avortement seulement parce que le sexe de leur bébé ne leur convient guère, il n'y a qu'un pas, pointent les médecins.

Autre inquiétude relayée par le collectif: la volonté de ramener le délai de réflexion à 48 heures au lieu de 6 jours. "Aujourd'hui, (avec 6 jours minimum entre la première consultation liée à la demande d'IVG et l'intervention en tant que telle, NDLR), la femme est en mesure de prendre une décision rationnelle et mesurée, c'est-à-dire soit poursuivre la grossesse ou demander une IVG. Réduire le délai de réflexion à 2 jours, ce serait oublier le temps de l'écoute et de l'information nécessaire aux patientes, afin qu'elles puissent être éclairées, accompagnées et qu'elles prennent connaissance des alternatives possibles (aides & agrave; la parentalité, adoption, ...)

Les "soignants opposés à l'extension de la loi sur l'avortement" demandent donc au monde politique d'ouvrir la porte au dialogue. "Une consultation approfondie du corps médical ne serait-elle pas nécessaire avant le vote d'une loi qui touche à la vie, à l'humain? A moins que les politiques n'aient la science infuse..."

"Par ailleurs, il ne faudrait pas sous-estimer la difficulté psychologique de cette intervention pour le personnel médical. Pratiquer une IVG reste un acte pénible, et certains médecins refuseront certainement d'intervenir à 18 semaines de grossesse", ponctue Sylvie Detollenaere, sage-femme.

D'après les dernières statistiques disponibles, en 2018, 444 femmes belges (3% environ du total des demandes d'avortement) sont allées avorter aux Pays-Bas, où l'IVG est autorisée jusqu'à 22 semaines de grossesse. Généralement, ces femmes sont issues d'un milieu défavorisé, elles sont fragilisées et connaissent des difficultés sociales, psychologiques ou financières.

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