Catherine Fonck : « Médecins, n’hésitez pas à vous engager en politique »

Très concentrée sur ces activités parlementaires et sur l’année politique qui vient, Catherine Fonck, cheffe de groupe des Engagés à la Chambre, même si elle vient d’annoncer qu’elle quittait la vie politique en juin prochain, compte bien travailler jusqu’à la dernière minute. 

En préambule, elle est directe : « Je ne veux pas encore faire d’interview bilan. Je vais encore m’investir pleinement. J’ai encore des propositions de loi à faire et des débats à mener. » Elle ajoute souriante et le regard ferme: « Je suis sereine et déterminée et ma décision a été mûrement réfléchie. » 
La majorité et le ministre fédéral de la santé sont prévenus. « Je suis passionnée par tous les dossiers pour faire bouger les lignes en matière de santé. Cela n’a pas été une décision facile parce que je ne voulais pas décevoir les personnes qui comptaient sur moi. Par ailleurs, j’ai aussi conscience que certains se frottent les mains à l’annonce de mon départ. »
L’ex ministre francophone prend aussi du recul par rapport à sa décision : « J’ai 20 ans en politique et j’ai eu la chance de servir mon pays à différents niveaux en donnant le maximum. J’ai évidemment commis des erreurs. Je tenais aussi à respecter mon discours par rapport à la limitation des mandats dans le temps. » Un élément est clair pour elle : « Je suis plus une femme de dossier qu’une femme de média ou de buzz. »
Le covid : l’instant pivot
Pour elle, un des éléments déclencheurs de sa décision a été la pandémie covid : « Pendant cette période, je suis retournée comme médecin sur le terrain (avant l’arrivée du vaccin) quand il y avait des tensions (à cause du manque de personnel) dans les hôpitaux et les maisons de repos. Cela a été pour moi un moment révélateur parce qu’en même temps, je continuais à suivre les dossiers au niveau politique à la Chambre le soir. Les nuits étaient courtes. J’ai perçu le décalage entre le terrain et le monde politique qui ne voyait pas les difficultés majeures du terrain.» Un déclic se fait dans son esprit :« A cette période, j’avais aussi l’impression d’avoir été utile sur le terrain. Un sentiment important pour moi.»
Quelle médecin sera-t-elle ?
Pour Catherine Fonck, la question de son prochain poste comme médecin ne se pose pas encore : «Je n’ai pas de plan de sortie, ni de poste prévu. Je ne sais pas ce que je vais faire après. Je travaillerai comme médecin et dans le secteur de la santé. Ce sera un retour aux sources. Je veux aussi retrouver plus de sens à mon engagement. Il y avait des combats et du sens en politique mais je me sentais de plus en plus en décalage avec la façon de faire politique (particratie, manque de travail ensemble, le sens commun, les effets d’annonce...). Il faut un sursaut démocratique et le sens de la nuance. Je rêve que la politique se modifie de l’intérieur et qu’il y ait un travail plus constructif.» 
Dépistage du cancer colorectal en équipe
Parmi ses multiples combats, elle retient un dossier :« La santé ce n’est pas qu’une question de maladie. La prévention reste le parent pauvre des budgets de soins de santé. J’ai géré de nombreux dossiers, mais je vais en retenir un où justement, où j’ai travaillé, comme je le fais toujours, avec les acteurs de terrain. Dans ce cas, avec les gastro-entérologues et les généralistes, nous avons mise en place le dépistage du cancer colorectal.  Dans l’opposition, j’essaie aussi d’éclairer les autres partis par rapport à la réalité de terrain notamment parce que j’écoute mon réseau de soins de santé. »
Au fil des années, on lui demande si certains ministres l’ont parfois écouté ?« Difficile de répondre. Je pense quand même que cela arrive au ministre Vandenbroucke de demander mon avis et d’examiner certains points que j’expose. Ce qui n’est pas fréquent par rapport à une députée de l’opposition, il faut le reconnaître. » 
Un regret sur un dossier ? « La difficulté de faire bouger les choses à tous les niveaux. C’est un constat transversal. La particratie est trop présente. »
La priorité en santé : le manque de personnel
Alors qu’il lui reste un an de travail politique, elle ne cache pas sa seule priorité : « Il faut assez de soignant bien formé. C’est l’urgence absolue pour les médecins, les infirmiers, les technologues en radiologie et en radiothérapie....Il faut une réelle stratégie d’attractivité... Les avancées sur les numéros Inami ne suffisent pas surtout quand on regarde les forces de travail de la commission de planification à l’horizon de 2041. Pour rappel, j’en parlais déjà avant le covid et cela s’est aggravé avec le covid. Les responsables politiques ne voient pas les urgences absolues...alors qu’on parle de qualité des soins au patient. Il faut aussi réhumaniser les soins de santé et donner du temps au soignant pour qu’il ait du temps pour parler au patient. »
Reprendre des formations
Consciente que le métier de médecin évolue, elle va reprendre des formations après le 1er juillet prochain : « Pendant le covid, j’ai suivi de manière permanente la littérature scientifique. Même mon mari médecin me disait que j’en faisais trop. C’était crucial pour comprendre tant pour les patients qu’au niveau politique. Comme néphrologue, je vais devoir me remettre à niveau après la politique. Cela ne me fait pas peur : tant sur le plan théorique (connaissance scientifique) mais aussi sur la pratique. Je vais devoir prévoir une période de transition. »
Dans cette médecine en pleine évolution, elle évoque la digitalisation des soins de santé : « Il faut exploiter le meilleur de la digitalisation et réduire la charge administrative. »
Ce changement ne lui offrira pas de temps en plus au quotidien : « Avant d’être en politique, comme néphrologue, je faisais une garde sur trois et on dialysait le samedi évidemment. Un médecin, cela travaille beaucoup. Ce ne fut donc pas un élément qui a guidé mon choix au moment de quitter la politique. »
Évidemment, si elle redevient médecin, elle pourrait se syndiquer. Allez vous choisir un syndicat comme médecin ? « Je suis en politique actuellement. Je ne me suis pas encore posé ce genre de question. Chaque chose en son temps. » 

Un message au médecin
Un dernier message pour les médecins ?« Il faut oser s’engager en politique. J’espère que d’autres soignants vont se lancer en politique parce que les débats ont besoin de personnes qui connaissent le terrain et la réalité d’un hôpital ou d’une pratique médicale. Cela permettrait de mieux faire bouger les lignes. »

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