Le couvre-feu sera-t-il efficace contre le Covid-19 ? Les réactions de Yves Coppieters et de Marius Gilbert

Un couvre-feu pour éteindre l’incendie du nombre de cas ? L'exemple de la Guyane est encourageant. En fait, la mesure est aussi efficace… qu’elle est dérangeante pour la vie publique. Mais en Belgique, on a peut-être décidé trop tard et trop petit pour éviter la saturation des hôpitaux. Réactions d'Yves Coppieters et de Marius Gilbert

Le couvre-feu décrété en Belgique depuis lundi entre minuit et cinq heures sera-t-il de nature à infléchir les courbes d'augmentation des cas de Covid-19 ? Celui décrété dès 21h dans de nombreuses métropoles françaises le serait-il davantage ?

« Je pense que le couvre-feu, pour impressionnante que soit cette mesure, est une bonne décision, de nature à aider à obtenir l’objectif recherché, c’est-à-dire éviter une saturation des services de médecine intensive et d’urgence », souligne le professeur Yves Coppieters, épidémiologiste de l’Ecole de santé publique de l’ULB. Qui précise toutefois : « Cette mesure ne suffira pas à elle seule, mais s’ajoutera aux autres mesures. Attention que cet instrument est directement proportionnel au nombre d’activités qu’il interrompt. Un couvre-feu à 21h interdit davantage d’activités externes que si on place la barre à minuit. Dans ce sens, la mesure prise en Belgique est moins radicale ».

L’efficacité du couvre-feu est-elle scientifiquement établie ? « On a utilisé la technique durant une certaine période à Anvers, mais son effet est difficile à mettre en évidence car d’autres mesures ont été prises en même temps. Le couvre-feu imposé à la Guyane en juin-juillet est davantage documenté. La conclusion des chercheurs est clairement en faveur de la mesure », argumente Yves Coppieters.  Mais cet exemple est-il extrapolable à la Belgique, alors qu’il commençait plus tôt et que la population guyanaise, plus jeune, a moins de risque de devoir être hospitalisée en cas d’infection ?

En fait, plus un couvre-feu est dérangeant et plus ses effets négatifs peuvent être importants. Ce qui signifie que celui décrété en Belgique n'aura peut-être qu'un effet marginal. S’il commence à 22h, les restos peuvent rester ouverts. S’il commence à 17 heures, c’est toute la vie après le travail qui s’arrête.

Alors, où s’arrêter? Or, si rien ne change, on atteindra début novembre le seuil de 2.000 lits intensifs, soit la capacité maximale disponible. Sera-t-il encore temps d’étendre le couvre-feu ? « On n’en verra pas l’efficacité au bout de 15 jours. Par contre, fin octobre, nous verrons l’impact des premières mesures prises par le nouveau gouvernement, soit la bulle de 4 et les bars fermés à Bruxelles. On doit espérer que cela donnera une impulsion pour ‘écraser la courbe’ ».

Marius Gilbert : « Utile, mais aux effets incertains »

« C'est un outil qui a vocation à être un intermédiaire entre la liberté complète avec les gestes barrières et un reconfinement. On ne se demande pas quelle circonstance exacte provoque le plus de  contangiosité, on gèle une tranche horaire d'activité », explique le professeur Marius Gilbert, patron du laboratoire d'épidémiologie spatiale (SpELL2) de l'ULB. « Je reste toutefois sceptique sur l'horaire retenu, car on risque de n'empêcher que quelques rassemblements tardifs, dont je ne suis pas sûr qu'ils constituent l'essentiel des circonstances dans lesquels la contagion s'effectue ». Pour le chercheur, on manque de recul pour évaluer le poids de la mesure. « Certes, l'exemple de la Guyane est intéressant. Mais la structure sociale, les habitudes horaires ne sont pas les mêmes. On ne peut donc pas en déduire des résultats comparables. Mais on est obligé de fonctionner comme cela. Si rien ne change, ce qui n'est pas certain, dans deux semaines, les hôpitaux seront gravement saturés. En arrêtant l'Horeca, on arrête une activité où les gens sont proches, ne portent pas le masque pendant une longue durée. Par contre, le gouvernement a voulu garder une possibilité de se rencontrer à quatre dans la sphère privée. Dans un confinement total, ce n'est pas possible. Ni dans un couvre-feu à 21h à la française. C'est un pari risqué, parce que la confiance et l'adhésion ne sont pas au beau fixe ».

Lire aussi : On ne pourra pas échapper à un reconfinement, s'inquiète Marius Gilbert

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Derniers commentaires

  • Gui Louis Stoffels

    25 octobre 2020

    Lors de la première vague ces 2 experts n'ont guère insiste' sur le rôle essentiel du masque alors que c était évident. Actuellement il est tout aussi évident que la première chose à faire est de fermer l' enseignement supérieur et secondaire. Le plus grand nombre d'infection et de porteur sains se trouve dans cette population.La qualité d'un pays se mesure par son enseignement et ses soins de santé. Sil faut choisir c est simple en fermant l enseignement pendant un mois c est vrai que certains étudiants perdront une année ce n est pas definitif par contre sans fermer cet enseignement il y aura sans aucun doute des morts en plus, et cela n est pas récupérable comme une année d étude.Dr.G. Stoffels