Autotests et autres TROD: que penser de la détection do-it-yourself ?

Depuis peu, une start-up bruxelloise orchestre du dépistage de MST par correspondance, sans passer par la case médecin. L’occasion de se pencher sur le phénomène des autotests et des TROD - les tests rapides d’orientation diagnostique - qui fleurissent désormais, et pas qu’en pharmacie. Quelles balises le législateur a-t-il mises? Un minimum d’encadrement par un professionnel serait-il du luxe? Et lequel? L’ABP suggère à la première ligne de raisonner en termes de gains d’efficience.

Les autotests à visée diagnostique fleurissent désormais, visant une large palette de situations et d’affections – de l’intolérance au gluten au taux de cholestérol, en passant par les infections urinaires, H pylori, Lyme ou le sang colorectal. Et pas juste dans les officines. L’afmps, l’Agence fédérale des médicaments, le confirme. « Le circuit de distribution des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, comme celui des autres dispositifs médicaux, est ouvert. Ceux-ci peuvent être distribués partout : en grande surface, sur internet … » 

Filet de sécurité légal

Donc sans la moindre guidance par un professionnel de santé ? Ne serait-ce qu’un conseil sur la pertinence même du test dans un contexte donné et la façon d’y procéder ? D’après l’afmps, conformément aux exigences légales (*), « chaque autotest doit être accompagné des informations nécessaires pour pouvoir être utilisé correctement et en toute sécurité ». Ces infos (description détaillée de la marche à suivre, conditions particulières de conservation, mises en gardes appropriées, restrictions d’usage…) devront figurer sur l’étiquetage et dans la notice – chez nous, en trois langues. « De plus, si le dispositif médical de diagnostic in vitro est destiné à l’autodiagnostic, la mention ‘destiné à l’autodiagnostic ’ doit être indiquée clairement. »

Sur-estimation de la littératie ?

Ne risque-t-on pas, malgré ces balises, d’avoir des gens qui ne savent pas comment interpréter les résultats, qui sont faussement alarmés ou rassurés ? Pour les autodiagnostics, « les résultats doivent être exprimés et présentés de telle manière qu’ils puissent être compris aisément par un citoyen lambda. La notice d’utilisation doit attirer l’attention de l’utilisateur sur la possibilité de résultats faussement négatifs ou faussement positifs et comporter des conseils sur les mesures à prendre dans de tels cas », répond l’afmps. « La notice doit également mentionner que l’utilisateur ne doit pas prendre de décision médicale importante sans consulter au préalable son médecin traitant. » 

Une vision « optimiste » ne cadrant pas forcément avec la littéracie en santé observable dans la population, objecteront certains acteurs de terrain. Pour Alain Chaspierre, président de l’APB, « l’heure est à l’empowerment. Le patient est supposé capable de faire une série de choses ». Loin de lui l’idée de sous-estimer ses concitoyens, mais dans les moments un peu délicats, perturbants, où l’on découvre qu’on souffre de tel ou tel problème, le conseil avisé d’un pro n’est pas un luxe pour endiguer les réactions inappropriées (d’automédication mal avisée, de surconsommation, de mauvaise hiérarchisation des priorités à traiter…). 

Du préventif, et des synergies entre métiers

Le débat n’est pas près de s’éteindre, puisqu’on peut pronostiquer que nombre de tests do-it-yourself vont encore arriver sur le marché, « de même que des applis de santé mobile, qui mesurent tel ou tel paramètre. Dans le pacte pluriannuel conclu avec les autorités, nous avons proposé que les pharmacies soient un endroit où ces applis puissent être rendues accessibles aux patients, avec garantie d’un bon encadrement ». 

Les autotests, pour leur part, ne décollent pas vraiment. « A part celui du VIH. Car c’est un investissement, d’acheter ces dispositifs. Il faut souvent entre 10 et 15 euros pour une unique mesure. Les publics cibles qu’on pensait aider ne sont pas ceux qui investissent cette somme. » Mais la mise au point de nouveaux tests va assurément se poursuivre et les prix pourraient baisser à l’avenir. Dès lors, Alain Chaspierre conseille aux professions de santé d’anticiper. « Il faut réfléchir, entre pharmaciens, médecins, infirmiers…, à la meilleure façon d’accompagner la tendance, de s’organiser entre nous pour être plus efficaces. » Dans l’intérêt de la santé (et des finances) publiques.

Le président de l’APB aligne quelques exemples de nature à nourrir cette réflexion souhaitable. La France a étudié l’impact de la disponibilité des autotests VIH en officine : 40% des gens n’auraient pas fait de dépistage sans cette accessibilité. En province de Luxembourg, dans le cadre du projet pilote Chronilux, un dépistage du diabète est organisé en pharmacies, en bonne intelligence avec les médecins traitants. Il a permis de sensibiliser quelque 48% de participants soit en prédiabète soit diabétiques qui s’ignorent. En Australie, les pharmaciens sont impliqués, via un programme subsidié par l’Etat, dans l’amélioration de l’adhésion thérapeutique – sujet que les gens rechignent souvent à aborder avec le prescripteur. Cela a dégagé des gains d’efficience de l’ordre de 1,9 milliard de dollars. 

« Ce sont là des approches intelligentes, des pistes à envisager structurellement. Elles permettraient de libérer des marges, dans le budget soins de santé, à réaffecter différemment. » 

 (*) annexe I de l’arrêté royal du 14 novembre 2001 relatif aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro

Lire aussi :

Abel.care : un dépistage de MST par correspondance  

Auto-tests: les biologistes cliniciens réagissent à l'avis de l'Ordre des Médecins (lettre ouverte)

Test Achats déplore un manque d'informations lors de la vente d'autotests de dépistage

Vous souhaitez commenter cet article ?

L'accès à la totalité des fonctionnalités est réservé aux professionnels de la santé.

Si vous êtes un professionnel de la santé vous devez vous connecter ou vous inscrire gratuitement sur notre site pour accéder à la totalité de notre contenu.
Si vous êtes journaliste ou si vous souhaitez nous informer écrivez-nous à redaction@rmnet.be.