Accidents nucléaires, bactériologiques, chimiques ou radiologiques. : nous ne sommes pas prêts !

Lors d’une conférence organisée par le Centre Antipoison, différents intervenants sont venus afin de discuter des risques que connaît notre pays et des mesures de préparation contre les accidents nucléaires, bactériologiques, chimiques ou radiologiques (NBCR). Le fait est que si beaucoup d’hôpitaux doivent établir leur propre plan d’urgence, nous sommes relativement démunis face à un incident de grande ampleur…

Le Dr Kurt Anseeuw du département de médecine d’urgence du ZN Antwerpen s’est posé la question de la préparation des forces d’intervention sur notre territoire. La pandémie de Covid-19 et la crise qui en a découlé pour nos services de soins de santé a démontré que ce n’est que grâce à l’initiative privée mise en place par les hôpitaux et le personnel soignant ambulatoire que le premier choc (et les suivants) ont permis de limiter autant que possible les dégâts. On pourrait également revenir sur les inondations meurtrières de l’été dernier en faisant le même constat, malheureusement. 

Leçons du passé ?

Pour bien comprendre l’importance d’un plan d’urgence à large échelle, le Dr Anseeuw est revenu sur les attentats dans le métro de Tokyo (1995). L’absence de plan concernant un incident chimique, aucun plan catastrophe hospitalier et aucune communication ou coordination multidisciplinaire. Ainsi, la majorité des patients se sont présentés d’eux-mêmes aux urgences : 5500 blessés dont 700 conduits par les services d’urgence. « Par ailleurs, personne ne savait réellement ce qui se passait. Les pompiers ont évoqué après deux heures une intoxication à l’acétonitrile et 1 heure plus tard, la police identifiait le gaz Sarin. Malheureusement les autorités policières n’en ont averti personne ce qui a conduit à la contamination secondaire de 20% du staff médical et de 10% des pompiers et des policiers », explique l’urgentiste anversois. 

Insuffisant !

La question qu’il se pose est alors de savoir si plus d’un quart de siècle plus tard nous avons appris de nos erreurs. Une étude est parue en 2014 (1) concernant la préparation de nos services d’urgence pour ce type d’incidents. Sur les 138 services interrogés, 71% des hôpitaux ont déclaré être potentiellement exposés aux risques NBCR et 53%, seulement, avaient intégré ce risque dans leur plan catastrophe. Une étude en Flandres (2) a montré que, 3 ans plus tard, 40% des hôpitaux disposaient d’installations de décontamination avec, seulement, une capacité moyenne de 3 personnes ambulatoires à l’heure et une personne alitée. « Et si on va plus loin dans l’analyse, on remarque que seulement 25% de ces installations se trouvent à l’extérieur du service d’urgences. Cela signifie que la décontamination dans trois quarts des cas devra se dérouler dans le service d’urgences, ce qui n’est pas une très bonne idée… », précise K. Anseeuw. Par ailleurs, 56 % des hôpitaux flamands disposent d'équipements de protection individuelle (PPE) appropriés pour les équipes de triage et de décontamination, mais seulement 18% de PPE de niveaux A et B, pour circuler dans les zones de contamination les plus à risque (2). « Les PPE antinucléaires sont situés autour des centrales. L’hôpital de Mol a un très bon plan catastrophe antinucléaire de même que l’hôpital de Middelheim à Anwerpen. Pour Tihange, ce sont des hôpitaux français qui sont concernés… » 

Des initiatives européennes existent pour réduire les risques et mieux se préparer aux incidents de cette nature, mais en Belgique, il semble que nous pratiquions la politique de l’autruche sans véritablement d’informations, de partages d’informations et même de formations, selon le spécialiste anversois. 

Un plan sans moyens

« Pourtant, reconnaît-il, nous disposons dans tous les hôpitaux d’un plan depuis 2018 : le guide CBRN. C’est tout ce que nous avons reçu de la part du gouvernement fédéral : aucune autre ressource, aucune formation… Donc il est à charge des hôpitaux de le mettre en œuvre de leur côté. » Or, pour le spécialiste, nous avons besoin d’un réseautage pour la prise en charge de catastrophes impliquant un grand nombre de victimes potentielles. Les antidotes par exemple se trouvent dans des centres spécifiques et les usines SEVESO. Dans leur étude (1), les chercheurs belges ont découvert que l'atropine était disponible dans tous les centres, mais des antidotes plus spécifiques comme l'hydroxocobalamine, le thiosulfate ou la pralidoxime étaient moins disponibles : 47%, 47% et 19 %, respectivement. « Il n’existe actuellement aucune règle pour le stockage et la distribution de ces antidotes pour un grand nombre de personnes. »

Comment se préparer ?

« La société pense que le gouvernement ou l’Etat peut prendre en charge tous les soins qui découleraient d’une catastrophe NBCR. On a bien vu lors de la pandémie qu’il existe un réel manque de connaissance quant aux choses à faire et à ne pas faire. Il est donc essentiel de rendre la population autonome dans ces circonstances particulières », explique Le Prof Dr Marc Sabbe (UZ Leuven).

Ceci demande donc une conscientisation de la population et une formation. La question est de savoir pourquoi il faudrait se préparer à un événement très peu probable. « La polémique qui est née autour des masques au début de la pandémie est tout à fait exemplative de cette situation où le gouvernement lui-même n’avait pas mesuré l’importance de la vérification des stocks. Or tout cela demande de l’argent afin de pouvoir gérer ces stocks, notamment des antidotes. »

Sensibiliser, Former et Informer

Les études menées par le Prof Sabbe montrent que les pharmacies hospitalières sont assez rétives à fournir les informations de stocks d’antidotes alors que cela est demandé par le Centre Antipoison lui-même. « Nous devons nous préparer à des événements exceptionnels, car les risques existent et augmentent encore avec la mondialisation. Il est important d’informer le public. Nous avons donc besoin d’une structure à l’échelle belge et européenne qui peut mettre en place une réponse rapide aussi bien qu’une formation à long terme des professionnels de la santé : généralistes, spécialistes, le personnel de nursing et les pharmaciens », conclut Marc Sabbe. 

Lire aussi: Une loi sur la planification d'urgence en préparation

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